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Qui est la plus belle ?

  • "Qui est la plus belle ?

  • Vous, votre Éminence.

  • Qui est la plus belle ? "

Tous les matins, la belle-mère de Blandine interrogeait ainsi, sur sa beauté. Une seule réponse était admise, sinon le courroux de la belle assombrissait tout le royaume. Et, le soleil affolé, ne réapparaissait qu'à l'aube du jour suivant.

Aria. La pauvre Aria ! Son souvenir attrista Blandine. Elle eut une tragique destiné. Cette jeune servante, étourdie, présenta un miroir, non conventionnel, à la reine pour s'y admirer. Ne retrouvant point le miroir magique, celle-ci prise de panique se servit du sien, le tendit à la reine Leticia. Mais celle-ci n'en fut pas dupe.

Aria fut mise à nue dans la cours du château et fouettée jusqu'à ce que l'ire de Leticia s'apaise. Laissée sans soins dans la cours, car son Altesse voulait que les serviteurs comprennent que tout affront se payait en eau carmin. Plus qu'une peau tuméfiée, Aria mourut quelques jours plus tard sous les coups d'une reine au cœur de pierre et à la beauté éblouissante. La dureté lui halait si bien le teint.

Sur ces entrefaites, la reine fit interdire tout miroir au château. "Ce sont des miroirs déformants", répétait-elle. Pas un ne reflète ma véritable beauté.

Elle châtiait aussi, quiconque surprit à se mirer dans l'eau ou dans un tesson de verre.

Blandine apprit à des dépens que sa belle-mère ne souffrait d'aucune concurrence. Un jour, elle entendit des récriminations à son encontre : "comment se fit-il qu'elle soit plus belle que moi cela est-il possible ?"

Afin de ne point, subir les foudres de la reine, Blandine se grimait et n'hésitait pas une seconde à la flatter.

"C'est vous bien sûr belle-mère. Comment pouvez-vous croire que je dérobe votre beauté. Regardez ma peau acnéique, la vôtre est lisse sans aspérités. Vous êtes à la fois un mélange de Lollobrigida et de Angelina. Jolie comme elles, vous êtes. N'en doutez pas un seul instant.

Prenez votre miroir magique et regardez. Qu'y voyez-vous ?"

Sa grandeur savait que ce miroir ne pouvait lui mentir, satisfaite de son image, elle retrouva sa bonne humeur. Rassurée, elle vaqua à ses occupations journalières : spa, message au lait de brebis, manicure et tant d'autres futilités.

Ouf ! La gérascophobie de sa belle-mère mettait à rude épreuve ses nerfs. Blandine chercha refuge auprès de son père, mais celui-ci, outragé, ne voulut rien entendre, subjugué qu'il était par la beauté de Leticia.

Une année passa, une autre lui succéda avec une précision 'horlogèrifique'

Ses subterfuges, pour paraître hideuse ne ravirent point sa beauté naturelle. Blandine était belle malgré elle. Ses courbes attiraient l'attention. Son sourire faisait fondre ses prétendants. Au nombre de sept, ils s'essayèrent, avec talent, à lui chanter la pomme. Son choix se porta sur l'un d'entre eux, Luther. Il la faisait rire, frémir, mouiller, tout ça à la fois. Elle aimait batifoler avec lui dans la rosée de l'herbe. Il caressait sa peau humide et la bécotait avec avidité. Elle, lui répondait entre deux spasmes, chamboulée par un tsunami de frissons qui traversaient son corps pubère.

"Regarde comme tu es belle."

Alors elle regardait. L'eau du puits reflétait son visage. D'abord surprise, elle finit par apprivoiser cette image, de ce visage elle eut peur. Elle fut soudain, prise d'angoisse. Au loin, sa belle-mère pressait le pas en direction du château. Ce jour-là. Blandine ne revint point.

Elle s'enfuit à Brazilia avec Luther. Là-bas, s'y trouvait sa mère, du moins elle l'espérait. Ne plus être le souffle douleur de cette jeune belle-mère, obsédée par sa propre beauté. Elle ne voulait pas être une Blanche-neige. Elle ne subirait pas le même sort. Elle devait se prendre en charge. D'ailleurs, elle envisageait une carrière dans le mannequinat. Voyages, tenues affriolantes, iles paradisiaques, rencontres insolites, seraient un univers dans lequel elle évoluerait comme une princesse.

Mois après mois, la vie suivit son cours…

Elle se rapprocha de son père. Cet éloignement les réconcilia. Elle entendait la fierté dans sa voix. Pour la première fois elle entendit son rire guttural et communicatif. Leticia désapprouvait. Elle mis en place un stratagème pour faire cesser ces moments d'intimité entre père et fille. Dès qu'elle était informé que le roi s'entretenait au téléphone avec Blandine, elle s'inventait des maux et jouait à la malade imaginaire. Il fut alors moins disponible, préoccupé, distrait.

Il arriva ce qu'il devait arriver. Le Roi, son père, mourut.

Amateur de chair, il avait croqué avec avidité, un peu trop, une reinette et s'était effondré d'épuisement dans sa couche.

Elle se précipita en Italie. Elle voulait lui dire adieu. Elle voulait une dernière fois revoir son visage. Elle voulait l'embrasser.

Le notaire lui apprit que le testament de son père la privait de la quasi-totalité de ses biens. Elle n'avait droit qu'à la garde de robe de ce dernier. Sa belle-mère et son demi-frère héritaient de la propriété, des chevaux, du cottage de Jersey, des tableaux. De tout. Elle n'en revenait pas.

Sa belle-mère, Leticia lui avait non seulement dérober des moments avec son père, mais en plus, elle lui volait des souvenirs.

Elle eu une idée pour se venger de cette marâtre. Elle décida de lui chaparder son miroir. Comment faire, alors qu'elle-même était persona non grata au château ? La maléfique Leticia le cachait, dans sa coiffeuse, à l'intérieur un petit coffret incrusté de ses initiales. S'en saisir n'était pas chose aisée.

La rage transforma Leticia, elle fit exécuter toutes ses servantes. Quiconque s'approchait d'elle souffrait de ses sauts d'humeurs. Plus aucune visite ne lui fit rendu et plus personne ne voulut travailler à son service. Le château périclita par manque d'entretien. Leticia perdit la tête. Son fils fut contraint de l'interner. Pedro, le palefrenier, voulant se venger de la mort d'Aria, avait tout manigancer.

Lorsque la Reine se rendit à une séance de Spa, il avait subtilisé les clés de la coiffeuse et voler le miroir. Il fit promettre à Blandine de ne jamais l'ouvrir. Celle-ci le lui promit, cacha l'écrin sous un pommier. Ce n'est que longtemps plus tard, après que les prés aient, par trois fois revêtus leur tenue d'été, que le moment fatidique se présenta.

Blandine rendit visite à sa belle-mère Laeticia au couvent. Elle était assise, droite attendant ou espérant la visite d'un gentilhomme d'une époque révolue. Blandine la rejoignit dans la loggia. Celle-ci était habillée d'une robe asymétrique, fendue sur le côté droit "beau galbe" pensa Blandine. Leticia était encore fort belle, mais elle tut son émerveillement. Quant à elle, elle s'était parée d'une capeline fuchsia et d'une combinaison légère idéale pour cette période estivale. Elle sentait la figue, une fragrance qu'elle avait acquise à Brazilia. Blandine déposa sur la table un écrin.

Elle s'assit à côté de la marâtre, la fixa longuement et lui souffla :

"Qui est la plus belle ?".

Les yeux emplis d'éclairs, Leticia lui lança un regard électrisant. Elle s'empara du coffret. Dedans, s'y trouvait le miroir magique. Leticia, l'ouvrit et poussa un cri dolorifique. Blandine le lui arracha des mains et s'y mira à son tour. Ce qu'elle y vit la stupéfia. Elle, Blandine, était si belle qu'elle en frissonna de plaisir.

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